La beauté berbère a inspiré bien des auteurs, à tel point que certains affirment que les Kabyles sont les "plus beaux".
Alors, est-ce une légende urbaine sans le moindre fondement esthétique ?
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Ou bien existe t-il des critères précis permettant d'objectiviser une telle beauté ?
Chaque mois, c'est plus d'une centaine d'internautes "kabylologues" qui se posent LA question sur l'ensemble des réseaux sociaux (et associaux) !
A lire. La renaissance du mythe #kabyle
— DecolonizingAlgeria (@BintJezeyer) August 16, 2017
« Les Kabyles sont ... beaux avec les yeux bleus et des cheveux blonds...»https://t.co/Dom5ItfeiV pic.twitter.com/cHq9zu2cDM
Tentons donc de comprendre l'origine du mythe de la beauté kabyle.
Car elle en dit long sur les fantasmes qui entourent cette communauté berbère.
La beauté kabyle: un sujet qui divise les Algériens
Généralement, lorsque le sujet est traité sur la place publique, les noms d'oiseaux finissent par fuser assez rapidement...
Les kabyles vous êtes laids, consanguinité etc...De loin les arabes sont plus beaux ayant de profondes racines historiques, de nobles extractions...les kabyles sans origine vous ressemblez aux gitans, aux roms, sans origine( des vandalo bulgares), des najouss et majouss ! Tronche
— Belhoucine Mohamed candidat président (@BelhoucineV) December 4, 2019
Par exemple pk les kabyles sont détestés bain psk ils sont beaux, puis pk les kabyle sont racistes car les non kabyle les accusent de manger du porc... En gros lol
— cheikhspeare william (@eff_ov) January 5, 2018
« Les kAbyLes sOnt bEaUx » c un concour? oui ils le sont et tout autant que n’importe quel ethnie soyez simple grandissez un peu vous êtes fatiguant
— asz (@soso_zahiR) May 3, 2020
@copi35 Les arabes sont moches parce que les kabyles sont blonds, beaux et racistes
— Bachir Belmehdi (@BachirBelmehdi) November 7, 2014
En effet, c'est un débat qui cristallise bien des tensions.
Traduisant presque une jalousie de la part de certains à l'égard de ce peuple.
Avec, à la clé, des répressions de toute forme de manifestation identitaire comme l'interdiction du drapeau Amazigh lors des défilés, en juin 2019, par le général algérien Ahmed Gaïd Salah, considéré comme "anti-algérien".
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Alors même que la Constitution algérienne reconnaît l’emblème berbère comme faisant partie de l’identité nationale algérienne, certains ont fini en prison ferme pour avoir simplement brandi cet étendard dans la rue...
Du coup, des caricaturistes engagés, comme Ghilas Aïnouche, n'hésitent pas à tourner en dérision ce complexe.
Comme l'illustre cette caricature parue dans le journal francophone, Tout sur l’Algérie (TSA):
Tizi Ouzou toujours première au #BAC, les autres wilayas demandent conseils #Algérie pic.twitter.com/Jtx8uDLg0E
— Ghilas Ainouche (@GhilasAinouche) July 20, 2018
Cet humour subversif lui a coûté un licenciement, avant qu'il soit contraint de partir en exil suite à des menaces de mort d'une violence inouïe.
En 2015, son engagement militant lui a valu d'être élu "Personnalité kabyle de l’année" par le webzine Kabylie-news.
Une reconnaissance qui récompense son activisme, et surtout cette qualité rare de "briseur de tabous" dans un écosystème journalistique verrouillé par la censure.
Car il est bien difficile de s'exprimer librement et sans restrictions sur cette question.
Vous pouvez perdre votre emploi, vos amis, votre famille... Voire même votre vie pour avoir "trop parlé".
Pour s'extraire de ce contexte explosif, il faut remonter le temps afin de mieux comprendre la singularité du peuple kabyle et en quoi cette dernière renforce la richesse du pays.
"Beauty is in the eye of the beholder": comment définir la singularité kabyle ?
La Kabylie, c'est d'abord un groupe géographique et ethnique bien singulier, qui regroupe l’ensemble des populations parlant la langue kabyle.
Située dans une région montagneuse et rurale, elle nourrit en son sein, depuis plusieurs millénaires, une population de culture et de traditions berbères.
Une population, qui pour se défendre des vagues d'envahisseurs successifs, avait pour coutume de construire des bastions de protection dans les montagnes.
C'est un peuple guerrier qui a su, par sa résilience et sa détermination, devenir quasi-autonome du pouvoir central, conservant ainsi son identité au fil du temps.
Or, beaucoup d'observateurs ont pu constater sur place la forte proportion d'autochtones aux yeux bleus et à la peau claire.
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C'est notamment le cas de l’abbé Raynal, qui dans Histoire philosophique des Établissements dans l’Afrique septentrionale, paru en 1826, écrivait à leur sujet: "Les Kabyles sont d'origine nordique, en descendance directe des Vandales, ils sont beaux avec les yeux bleus et des cheveux blonds, leur islam est tiède".
Pour rappel, les Vandales, qui sont un ensemble de tribus germaniques orientales, ont conquis l'ensemble de la Gaule, au début du Vème siècle, avant de débarquer en Afrique du Nord pour y fonder un Royaume sur les décombres de l'Empire romain.
Arrivés en 429 avec environ 80 000 hommes, les Vandales, accompagnés des Alains, pillèrent les villes et brûlèrent les principaux lieux de pouvoir romains.
Ils fondèrent un Royaume, sous l'égide du Roi Genséric, qui dura presque un siècle.
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Ils disposèrent donc un laps de temps suffisamment long pour impacter durablement cette région.
En effet, selon les écrits de l'historien byzantin Procope de Césarée, les Vandales de Carthage et de Numidie sont partis se réfugier dans les montagnes au-delà de Hippone chez leurs alliés maures, ce qui correspond géographiquement à la Kabylie actuelle.
Une migration qui a immanquablement marqué les populations de cette zone.
En fin de compte, le général byzantin Bélisaire a rompu cette hégémonie régionale, en 534, lors de la guerre des Vandales, débutant ainsi l'Empire byzantin.
En quelques siècles, les populations d'Afrique du Nord connurent une occupation qui fut d'abord romaine, puis vandale et enfin byzantine.
Ces influences extérieures, selon certains analystes, ont durablement impacté la culture, voire même le patrimoine génétique, des berbères de cette époque.
Par exemple, certains mots de la langue kabyle ont des origines germaines, comme "koucha" (four).
Ce mélange civilisationnel constitue à la fois une richesse et une singularité toute particulière.
Cette diversité, au lieu de diviser, doit constituer un terreau fédérateur.
La beauté kabyle étant partie intégrante de la beauté algérienne, les deux ne sauraient en aucun cas être dissociées.
